Entretien réalisé par Mónica Delgado
Le cinéaste, curateur et chercheur catalan Antoni Pinent était il y a quelques semaines à Lima pour une masterclass et un atelier dans le cadre du MUTA, la Muestra Internacional de Apropriación Audiovisual (Festival international d’appropriation audiovisuelle). En plus de son activité de cinéaste, Antoni Pinent a de nombreuses casquettes : curateur de cinéma expérimental (en Espagne et ailleurs), programmateur, notamment lors des séances Xcèntric du CCCB (Centro de Cultura Contemporánea de Barcelona), et enfin commissaire d’expositions, telles que THAT’S NOT ENTERTAINMENT! El cine responde al cine (2006-2007), ou DEL ÉXTASIS AL ARREBATO (2009-2012), une rétrospective itinérante sur les cinquante ans de l’« autre cinéma espagnol » qui a marqué les esprits. Ses films, parmi lesquels G/R/E/A/S/E (2008-2013) et FILM QUARTET/POLYFRAME (2006-2008), ont été primés dans plusieurs festivals internationaux, et le cinéaste catalan a reçu le Grand Prix de la Biennal Museum of Contemorary Cinema Foundation lors de sa seconde édition en 2008 (New York, Paris, Madrid).
À Lima, il présentait une sélection de treize de ses oeuvres retraçant 25 ans de « cinéma sans caméra ». Dans l’entretien qu’il nous a accordé, Antoni Pinent revient sur son travail et sur les tendances actuelles dans le domaine de l’appropriation cinématographique.
Desistfilm : Au Pérou, les jeunes cinéastes qui abordent le cinéma expérimental par le found footage ou l’appropriation ont tendance à ne jamais manipuler directement le support, et ne se frottent pas à l’histoire du cinéma ou à ses origines. Que penses-tu de ce type d’approche ?
Antoni Pinent : En fait, on observe cela un peu partout, pas seulement ici. Lorsque j’étais commissaire d’exposition entre 2014 et 2015, j’ai eu l’occasion de voir El Obecedario de Juan Daniel Molero et j’ai fait plus ample connaissance avec le travail de Diego Vizcarra pour un cycle de projections sur lequel je travaillais en collaboration avec le Los Angeles Film Forum et le Getty Museum ; le cycle se tiendra d’ailleurs à l’automne prochain à Los Angeles et sera accompagné d’un livre, Ismo, Ismo, Ismo. Cine experimental en América Latina (University of California Press) dont la sortie est prévue pour bientôt. C’est pendant cette période que je me suis rendu compte que la pratique que tu développes en tant que cinéaste dépend du contexte, surtout lorsque tu travailles les extrêmes, la matière, dans une époque comme la nôtre où le numérique règne en maître. À partir du moment où tu obtiens de bons résultats, avec un minimum de public en festivals et des retours positifs, tu peux te permettre de repartir dans l’autre sens : ce processus d’aller-retour entre deux façons de créer me paraît très naturel et touche toutes sortes d’approches personnelles, sans forcément impliquer le passage par une école de cinéma. Quand tu suis un cours, le contenu est imposé par les affinités de ton professeur avec tel ou tel cinéaste ; par exemple s’il aime John Ford, il ne va peut-être pas te parler de Mekas, et c’est là que mon rôle comme professeur invité à l’université, dans des écoles de cinéma ou des masters, prend toute sa valeur, car je donne un cours qu’un enseignant attitré ne donnera jamais, parce que le sujet ne l’intéresse pas ou parce que ce n’est pas son domaine de prédilection. Je ne dis pas ça pour critiquer, mais l’enseignant n’est qu’un rouage parmi d’autres dans le secteur de l’enseignement. De plus, j’ai pu constater au cours de mes voyages que la nouvelle génération a parfois une première approche du cinéma par l’émulsion, et que par la suite ils intègrent cette démarche dans ce que l’on pourrait appeler le cinéma expérimental et dans le sous-genre de l’appropriation.
C’est intéressant ce que tu dis du contexte péruvien, parce que quand j’ai posé la question pendant l’atelier, on m’a répondu : « au Pérou il n’y a pas vraiment de background expérimental ». C’est un peu partout pareil, il y a une discontinuité dans les mouvements, dans les collectifs artistiques, ou dans l’apparition de francs-tireurs isolés, tout cela dépend du contexte politique, culturel, musical, théâtral, etc. La période de cohabitation entre l’analogique et le numérique que nous vivons actuellement pousse cette génération à tout mettre en oeuvre pour sauver ces supports, les sauver de l’obsolescence ou de l’oubli en se les appropriant, selon différentes approches, trajectoires, secteurs et disciplines.
Desistfilm : Concernant l’esprit de résistance de l’analogique que tu mentionnes, que penses-tu du paysage cinématographique actuel en matière d’expérimentation et de conservation du super 8, du 16 mm et du 35 mm, et de l’importance de continuer à travailler sur ces supports ?
Antoni Pinent : Il existe un networking international (LaborBerlin en Allemagne, L’Abominable, Mire ou l’Atelier MTK en France, no.w.here. en Grande-Bretagne, Nanolab en Australie, Double Negative au Canada, pour n’en citer que quelques-uns) qui fonctionne à merveille. Nous avons justement abordé l’aspect politique de la résistance de l’argentique pendant le MUTA, en nous arrêtant sur les cinéastes les plus décalés – marginaux, déplacés, outsiders – et les puristes, comme Peter Kubelka, qui ne filme qu’en 35 mm. Il n’y a pas deux parcours identiques. Travailler sur argentique implique une qualité que n’a pas l’image numérique. Il y a là quelque chose d’organique, de matériel, qui te pousse à prendre un bout de pellicule pour littéralement manipuler le temps. Beaucoup d’éléments entrent en jeu, des notions aussi diverses que l’impureté, l’imperfection, l’alchimie, le travail artisanal, manuel et physique, par exemple lorsque tu tires ta copie à la main. Toutes ces composantes expliquent la lutte acharnée des défenseurs de l’analogique contre le système hollywoodien et les majors, qui décident du sort des différents supports de tournage et de projection.
En tant que cinéaste, j’essaie de découvrir, de montrer et de transmettre tout ce qu’implique ce travail sur la matière, avant qu’il ne se perde et disparaisse quand nous serons définitivement passés au numérique. Cela concerne la projection, mais aussi toutes les expérimentations imaginables. Par exemple, dans GIOCONDA/FILM (1999), qui est une traduction cinématographique du tableau, la recherche de la quatrième dimension inhérente au cinéma – le temps – s’ajoute au travail sur certains éléments, comme le son, généré lui aussi par l’image du tableau émulsionnée sur la piste optique, etc. Voilà des possibilités que je ne retrouve dans aucune autre discipline. Autre exemple, dans le film QR CODE/FILM (2014 – ?), je travaille sur un concept hybride, le DAD (Digital/Analógico/Digital), qui mélange QR codes et pellicule.
J’aime des propositions comme celle de Tacita Dean, quand elle réalise son manifeste Film, ou de Rosa Barba, qui témoigne de l’importance de continuer à tourner en 16 mm ou en 35 mm, sans oublier les commandes obtenues par Joao Maria Gusmao et Pedro Paiva pour leur travail en 16 mm dans des galeries ou musées, et qui stimulent tous ceux qui souhaitent continuer leurs travaux en celluloïd. L’argentique n’est pas un caprice, mais une nécessité. C’est un peu comme si un peintre contemporain voulait réaliser de grandes fresques : ce n’est pas parce que tout le monde peint sur toile qu’il doit se cantonner à ce support, il a d’autres moyens sous la main pour réaliser sa fresque. Ce n’est pas une lubie ; cette discipline lui offre au contraire la liberté de choisir ses propres matériaux d’expression et d’expérimentation sans aucune contrainte extérieure, du système ou du marché.
Dans mon travail de curateur, je suis très critique, très strict, et quand je prépare un programme, je tiens à rester fidèle au format original des films que j’ai choisis. Je dis toujours que si un musée, une cinémathèque ou un centre d’art ne montrent pas une oeuvre dans son format original, personne d’autre ne le fera, et on perdra l’habitude de le faire ; les institutions doivent être le fer de lance de ce combat, car elles disposent des ressources financières et des infrastructures adéquates. Elles doivent batailler pour obtenir la copie de tel film et la projeter dans les meilleures conditions possibles, afin de mettre en valeur ses qualités, comme on le fait dans une exposition. Les festivals sont aussi en première ligne, c’est leur travail et leur responsabilité, surtout quand on sait que certains ne projettent déjà plus de pellicule. Un festival ne devrait jamais pouvoir dire « on ne peut pas projeter votre film dans le bon format » à un cinéaste, et celui-ci devrait se faire un devoir de répondre « mon film est dans ce format, et il doit être projeté de cette manière », pas pour faire un caprice, ou pour le plaisir, mais parce qu’il a été tourné dans tel format et qu’il doit être vu comme cela. Le film est un tout, qui fonctionne de manière organique, globale, et pas seulement comme concept, c’est pourquoi certains films réclament d’être projetés et d’autres non. Je pense que les cinéastes devraient se prononcer plus clairement sur ce sujet.
Desistfilm : À ce propos, comment circulent tes travaux dans les festivals, et comment t’arranges-tu avec eux pour les projeter en format original ?
Eh bien ça dépend des festivals. Je ne suis pas vraiment un puriste, je ne suis pas fermé à double tour. Quand je vais dans un festival, par exemple à Dobra (Rio de Janeiro), s’il est impossible de projeter dans le format original quelle qu’en soit la raison – logistique, technique, budgétaire, etc. – et si cela implique de trouver un plan B pour montrer mes films, je ne suis pas contre. S’il certains espaces de diffusion n’ont pas l’infrastructure adéquate pour projeter de l’analogique, j’essaie de changer mon fusil d’épaule pour montrer le film d’une manière ou d’une autre, pour qu’il soit vu, quitte à ne pas respecter tous les critères techniques. Je ne peux pas me permettre de dire « ah, vous n’avez pas de projecteur 35 mm, eh bien laissez tomber ». Il faut rechercher l’équilibre. A contrario, beaucoup de festivals programment des films parce qu’ils sont en 35 mm, et organisent des projections groupées ; c’est ce qui s’est passé au festival de Valdivia, où Gonzalo de Pedro a programmé un de mes films avec The exquisite Corpus de Peter Tscherkassky, les deux en 35 mm. Ils font un peu pareil à Rotterdam avec le Silver Screen ou au Crossroads festival de San Francisco sous la houlette de Steve Polta ; ce sont des festivals où l’analogique n’est ni un luxe ni un caprice, mais une manière de concevoir la fantasmagorie et d’appréhender toutes les composantes du film, afin d’en faire l’expérience directe. C’est aussi un acte politique.
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Autre sujet qui me tient à coeur, les difficultés que rencontrent certains films expérimentaux, qui non seulement sont en pellicule, mais qui en plus mettent l’accent sur des aspects conceptuels. C’est le cas de la plupart de mes films, par exemple KINOSTRUM KUBELKA/16 variaciones (2009), la seconde pièce de ma trilogie Film Quartet, disponible uniquement en 35 mm, ou bien certains des excellents travaux du Mexicain Jorge Lorenzo Flores Garza, tel que On the road by Jack Kerouac (2013), ou ses dernières installations en 16 mm. Ces oeuvres sont rarement sélectionnées dans les festivals de films expérimentaux, attendu que les programmateurs optent très souvent pour les films les plus efficaces, accessibles ou esthétiques. Les films plus conceptuels se voient souvent opposer une fin de non-recevoir dès la présélection, car les festivals ont pour politique de ne consulter le texte complémentaire ou théorique qui les accompagne qu’au deuxième tour, ce qui rend leur sélection compliquée, voire insurmontable. Peut-être faudrait-il qu’un film soit signé d’un grand nom afin qu’une certaine attention lui soit accordée ? Cela permettrait d’éviter ainsi les mauvaises excuses et de respecter l’intégrité de l’oeuvre, quelle que soit la complexité du concept de départ.
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Desistfilm : Pourrais-tu nous citer une de tes pièces qui illustrerait ta façon de comprendre et de faire du cinéma.
Antoni Pinent : KINOSTRUM KUBELKA/16 variaciones est un bon exemple. J’ai eu le déclic en 2009, lorsque j’étais curateur de l’exposition dont nous parlions tout à l’heure, THAT’S NOT ENTERTAINMENT!, qui s’est tenue pendant le cinquième anniversaire de Xcèntric. Je travaillais sur l’installation du film Arnulf Rainer (de Peter Kubelka, NdT), que nous projetions dans son format original… et me suis dit « pourquoi je ne ferais pas une adaptation littérale – une espèce de remake – du film pour son cinquantième anniversaire, en suivant la technique dont je me suis servie pour Film Quartet » ? J’ai donc réduit chaque photogramme du film original de quatre perforations à une seule, afin de condenser le film en 96 secondes (un quart de la durée de départ) tout en respectant l’aspect binaire de l’original – photogrammes blancs (transparents) et photogrammes noirs (opaques) – sans spécifier le début ni la fin du métrage, avec la règle pour le projectionniste de montrer le film tel qu’il le recevait du distributeur. Le film peut être projeté de 16 façons différentes, mais toi tu n’en vois qu’une seule ; c’est le hasard qui décide, par l’entremise du projecteur et de la façon dont le film y est introduit. L’introduction d’une variable aléatoire définit le film ; c’est à travers cette idée de hasard, appliqué au cinéma, que se manifeste l’influence de John Cage sur mon travail. Ce que j’aime dans le cinéma, c’est que je peux jouer avec cette notion de random, c’est l’expérimentation sans fin sur la matière, avec des résultats totalement imprévisibles. On est loin d’avoir fait le tour de la question, il reste énormément d’aspects à explorer.
Desistfilm : Pour les curateurs, les programmateurs, les critiques et les cinéphiles d’Amérique du Sud, ton travail sur DEL ÉXTASIS AL ARREBATO était à marquer d’une pierre blanche, car il a permis de mettre en lumière un cinéma jusqu’alors peu visible. Comment fais-tu pour articuler ton travail de cinéaste avec tes fonctions de curateur et de chercheur ?
Antoni Pinent : Pour moi, le point de départ c’est la fabrication des films, l’histoire de l’art et les beaux-arts ; je me suis mis à la réalisation dès l’âge de 13 ans. Mon premier film officiel, N00. psicosiS, date de 1992 – j’ai quelques expérimentations antérieures que je ne montre jamais – et le dernier, de 2017, est toujours en cours de réalisation : ça représente 25 ans de travail dans le champ artistique et cinématographique. D’une manière ou d’une autre, il est impossible de vivre du cinéma expérimental, à moins de gagner beaucoup de prix en festivals, ou de s’appeler Ben Russell, Jonas Mekas, Bill Morrisson ou Christian Marclay, ou de percer dans le marché de l’art avec une galerie qui vend tes oeuvres ou t’expose à Documenta. Quand on commence, on n’a pas forcément conscience de tous ces schémas. Pourquoi crois-tu que Robert Breer, Ken Jacobs, Hollis Frampton, Len Lye, Michael Snow, John Smith, Peter Tscherkassky et Paul Sharits donnaient – donnent encore, parfois – des cours ? S’ils étaient là, ils te répondraient probablement qu’ils veulent juste faire des films, mais ils ont le couteau sous la gorge, économiquement parlant. Je ne prétends pas vivre de mes films, j’essaie juste de les amortir, de continuer à tourner grâce à l’argent que je reçois des distributeurs qui diffusent mon travail, comme Light Cone (Paris), Canyon Cinema (San Francisco) ou CFMDC (Toronto). Le choix se résume entre donner des cours ou avoir une activité complémentaire ou extérieure au cinéma.
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Mes activités de curateur, de cinéaste, de programmateur, etc. forment un tout. Un peu comme les critiques des Cahiers du Cinéma qui sentaient qu’ils faisaient déjà des films lorsqu’ils écrivaient leurs articles. En donnant des cours, nous essayons de transmettre notre passion, notre envie de créer, notre expérience, mais en réalité nous apprenons beaucoup parce que c’est un échange permanent avec les étudiants. De la même manière, la préparation d’une exposition est quelque chose de très enrichissant, et les recherches qu’elle implique peuvent par la suite s’appliquer à ton travail d’artiste. L’inverse est aussi valable, car je conçois mon travail de curateur comme une forme de création artistique. C’est d’ailleurs ce qui se passe avec mon nouveau film, STEREO FRAMEWORK/ASYNCHROMY, dans lequel je tiens un journal de bord, j’expérimente sur la 3D primitive, ou sur le double écran de projection, l’effet mirror, etc… Il n’y a pas de différence entre donner un cours, organiser une muestra, tourner un film, écrire un essai… ce sont les différentes facettes d’une même activité, et je m’identifie à chacune d’entre elles. Ta personnalité apparaît toujours en filigrane, à travers ta façon de couper tel plan et de réunir ces trois autres, etc., et tu finis par développer ta propre marque de fabrique en t’identifiant avec les différents aspects de ton travail.
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Desistfilm : Que penses-tu du travail de la critique dans le cinéma expérimental ? N’étant pas un cinéma narratif, il y a une espèce de conflit avec la critique conventionnelle, qui ne s’intéresse souvent qu’au sujet du film, à l’intrigue et au déroulement de l’histoire.
Antoni Pinent : Quand j’étais professeur à l’Observatoire du cinéma à Barcelone, je donnais un cours de critique cinématographique, et je recommandais aux étudiants d’aller voir certains films commerciaux pour réaliser des exercices pratiques. Le problème, c’est que ceux qui venaient à mon cours lisaient les critiques des films sur internet ou dans des revues, et leur production s’en ressentait fortement. Je leur ai donc demandé d’écrire sur des films inconnus, pour qu’ils se mesurent à quelque chose de nouveau et d’inclassable – un peu comme quand tu tombes sur la production artistique d’une autre culture, ou d’une autre époque et qu’il te manque certaines références pour développer un travail critique cohérent. Je leur ai donc confié la tâche d’aller voir des films sur la pantalla Xcéntric du CCCB, consultable à tout moment, qui propose des oeuvres restées inabordées et des cinéastes sur lesquels très peu de choses circulent ; je voulais qu’il n’y ait rien entre eux et l’écran, rien d’autre que la matière filmique, c’était le but du jeu. Ce type d’exercice est parfait pour un critique en devenir… en fait c’est un bon exercice pour tout le monde, et nous en avons tous tiré beaucoup d’enseignements.
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Personnellement j’écris assez peu sur le cinéma expérimental, parce que si c’est juste pour décrire le film, je n’y trouve pas mon compte. ; j’essaie d’y injecter la même énergie que le cinéaste, par respect pour son travail, et du coup chaque texte m’occupe un long moment. Je prends le temps de me renseigner, d’approfondir certains éléments, de recueillir des informations, etc. Je préfère ne rien écrire plutôt que de dire quelque chose de superficiel ou de simplement descriptif ; il ne s’agit pas de cinéma commercial sur lequel tartiner à propos de l’histoire ou de l’intrigue, mais de cinéma expérimental, expanded, etc., qui repose sur sa propre expérience de visionnage. Traduire cela avec des mots est virtuellement impossible, mais si vous n’avez pas le choix vous finissez par y arriver, au pire en ne décrivant que l’aspect visuel de l’oeuvre. Sinon on peut toujours imiter les textes d’Alberte Pagán, plus analytiques, pour transmettre ne serait-ce que le sujet aux éventuels spectateurs qui ne connaissent pas le film, rarement projeté, ou à l’occasion de séances exceptionnelles. Par exemple, pour moi qui viens de l’époque pré-internet, je lisais des textes sur Serene Velocity, d’Ernie Gehr, et j’imaginais le film à partir des photos qui illustraient le texte.
Concernant le cinéma expérimental, on trouve beaucoup d’approximations et peu de critique vraiment spécialisée, et ceux qui se jettent à l’eau n’abordent pas (par exemple) le traitement du son dans le found footage et ne maîtrisent pas les informations techniques de base. La plupart des gens qui écrivent sur l’expérimental donnent aussi des cours et tournent eux-mêmes des films, et s’ils n’ont pas ce background, ils s’informent de la partie technique et ça se sent dans le texte. Certains textes expérimentaux « purs et durs » n’arriveront jamais entre les mains du lecteur et ne sont jamais publiés dans les livres de théorie cinématographique, mais les cinéastes se les partagent entre eux, notamment tout ce qui concerne le processus de création ou l’expérience même du film. Quelques revues couvrent tout de même le champ universitaire, comme Animation Journal ou Millemium Film Journal, ou bien vous à Desistfilm, avec vos nombreux lecteurs, qui en plus me faites l’honneur d’un entretien.
Avant de terminer, je voulais remercier tous ceux qui ont rendu possible la collaboration avec MUTA : Efraín Bedoya Schwartz, Milagros Távara, Nicolás Carrasco, Natalia Inés Verástegui Walqui, pour ne citer que quelques organisateurs…je les remercie tous chaleureusement.
Traduction française: Guillaume Mariès